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La Cour suprême ordonne un nouveau procès dans une affaire de trafic d’armes

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La décision du plus haut tribunal au pays ne vise qu’une seule des accusations pour lesquelles il avait été reconnu coupable en 2015.

Ahmed Abdullahi avait été arrêté dans le cadre de l’opération Traveller en Ontario.

La police de Toronto avait ouvert cette enquête après que l’ancien maire Rob Ford eut été filmé en train de fumer du crack, en mars 2013.

Elle visait à s’attaquer au trafic d’armes et de drogues dans la région torontoise ainsi qu’aux gangs de rue.

Elle avait été lancée après que deux membres présumés du gang Dixon Bloods eurent filmé M. Ford en train de fumer une pipe de crack en mars 2013 avec l’intention de vendre la vidéo à la presse.

Rob Ford répond à des dizaines de journalistes, micros tendus à quelques centimètres de son visage.

Le maire de Toronto, Rob Ford, avait finalement admis en novembre 2013 qu’il avait consommé du crack six mois après que le « Toronto Star » eut révélé la nouvelle.

Photo : Radio-Canada

Ahmed Abdullahi, un présumé membre des Dixon Bloods, avait été reconnu coupable en juin 2015 de 10 accusations de possession et trafic d’armes à feu, d’appartenance et de participation à un groupe criminel.

L’individu de 33 ans figurait parmi un premier groupe d’accusés appréhendés dans le cadre de l’enquête Traveller.

Ils avaient été arrêtés grâce notamment à des preuves colligées lors d’écoutes téléphoniques. Les conversations étaient en anglais, en somali et en patois jamaïcain.

Des policiers de Toronto devant un immeuble d'Etobicoke.

Perquisition au 320, rue Dixon, à Toronto durant l’été 2013 : la vidéo présumée d’un homme ressemblant au maire Ford en train de fumer du crack y aurait été cachée.

Photo : Radio-Canada / CBC

La police avait en outre saisi une voiture dans laquelle trois armes à feu avaient été confisquées. Deux autres armes manquantes n’ont jamais été retrouvées. La police prétendait que le véhicule avait fait la route entre Windsor et Toronto.

La Couronne avait dû prouver que la voix que l’on entendait dans les enregistrements était bien celle d’Abdullahi et que les Dixon Bloods étaient bien une organisation criminelle.

La défense d’Abdullahi avait indiqué au jury que les Dixon Bloods étaient plutôt un gang de rue sans structure et que le trafic d’armes dont son client était accusé avait été commis de façon aléatoire.

Bill Blair aux Communes.

Le ministre de la Protection civile, Bill Blair, était le chef de la police de Toronto à l’époque de l’opération Traveller.

Photo : La Presse canadienne / Fred Chartrand

Après sa condamnation, Ahmed Abdullahi avait fait appel sans succès.

Un juge dissident de la Cour d’appel de l’Ontario avait toutefois donné raison à la défense d’Abdullahi en confirmant que le juge au procès avait mal instruit le jury au sujet de la définition d’une organisation criminelle.

Dernier appel de l’accusé

Abdullahi s’est alors adressé à la Cour suprême du Canada au sujet de la seule accusation de participation à une organisation criminelle.

La Cour suprême lui aura donné raison, vendredi, concernant les instructions du juge à son procès au sujet de la définition d’une organisation criminelle.

Les sièges d'un jury dans un tribunal.

Les directives du juge ont-elles outillé convenablement le jury pour qu’il statue sur l’existence de l’organisation criminelle? se demande la Cour suprême du Canada. (Photo d’archives)

Photo : CBC/Mitchel Wiles

Le jugement de la Cour suprême ne remet donc pas en cause la définition d’une organisation criminelle dans la loi canadienne.

Selon elle, ce sont toutefois les instructions du juge au jury qui ont été suffisamment imprécises pour mettre en doute la participation d’Abdullahi aux activités d’une organisation criminelle à l’époque.

La Cour d'appel de l'Ontario.

La Cour d’appel avait confirmé en février 2021 le verdict de culpabilité du jury au procès d’Ahmed Abdullahi, mais elle avait réduit sa peine de 12 à 10 ans de prison.

Photo : AVEC L’AUTORISATION DE SARA LITTLE

Le juge de première instance s’en était effectivement tenu à la définition du Code criminel.

Définition du Code criminel

Une organisation criminelle est un groupe, quel qu’en soit le mode d’organisation,

a) composé d’au moins trois personnes au Canada ou à l’étranger;

b) dont une des activités principales est de commettre ou faciliter une ou des infractions graves qui, si elles étaient commises, pourraient lui procurer directement ou non, un avantage matériel, notamment financier.

La présente définition ne vise pas un groupe d’individus formé au hasard pour la perpétration immédiate d’une seule infraction.

La Cour suprême écrit que le juge a commis une erreur de droit dans ses directives en omettant d’expliquer qu’une organisation criminelle est une organisation qui, en raison de sa structure et de sa continuité, présente un risque élevé pour la société.

Cette exigence distingue les organisations criminelles des autres groupes de contrevenants; de plus, elle aide à éviter que les organisations criminelles soient identifiées sur la base de raisonnements inappropriés, notamment des stéréotypes.Une citation de Malcom Rowe, juge de la Cour suprême du Canada

La Cour suprême explique que le juge de première instance a donc manqué à sa tâche de bien expliquer une telle exigence aux jurés avant de les laisser entamer leurs délibérations et que les preuves, les plaidoiries finales et l’absence d’objection de la défense ne pouvaient compenser, selon elle, l’erreur du magistrat.

La Cour suprême du Canada vue de l'extérieur.

La Cour suprême du Canada, à Ottawa, a entendu l’appel d’Ahmed Abdullahi en janvier 2023.

Photo : Radio-Canada / Michel Aspirot

La Cour suprême insiste sur la nécessité de démontrer l’existence d’une organisation criminelle lorsqu’une accusation de participation aux activités à une telle organisation est déposée.

Une directive à ce sujet est donc obligatoire, selon elle, puisque l’organisation criminelle alléguée doit présenter une structure et une continuité faisant naître le type de risque élevé pour la société.

Pour que le jury soit suffisamment outillé pour décider si une organisation criminelle existait [à l’époque des faits reprochés à l’accusé], la directive doit inclure une explication concernant la structure et la continuité.Une citation de Malcom Rowe

Le jugement de la Cour suprême du Canada n’est toutefois pas unanime.

Une juge dissidente y écrit qu’elle aurait rejeté l’appel, parce que les instructions du juge de première instance étaient, selon elle, claires comme le laissaient déjà entendre deux des trois juges de la Cour d’appel de l’Ontario.

Des menottes à côté d'une copie du Code criminel.

La Couronne devra à nouveau démontrer que le gang des Dixon Bloods était bien une organisation criminelle, parce que le jury au premier procès n’a pas eu assez d’éclaircissements à ce sujet pour reconnaître la culpabilité d’Ahmed Abdullahi.

Photo : Radio-Canada / Alexandre DUVAL

À ce sujet, la Cour suprême ajoute que la Cour d’appel [de l’Ontario] doit aussi se demander si le juge a commis une erreur, soit en donnant une directive qui n’était pas suffisamment détaillée, soit en omettant entièrement de donner une directive, ce qui constitue une erreur de droit.

La décision est importante dans la mesure où, comme le souligne le plus haut tribunal, les circonstances du procès ne sauraient remplacer l’obligation du juge de veiller à ce que le jury soit convenablement outillé, mais elles permettent effectivement de déterminer ce que le jury devait comprendre pour trancher l’affaire.

Aucune date n’a été fixée pour réentendre la cause.

Source : https://ici.radio-canada.ca/rci/fr/nouvelle/1996338/projet-traveller-crack-trafic-armes

Auteur :

Date de Publication : 2023-07-14 22:11:28

Le droit d’auteur pour le contenu syndiqué appartient à la source liée.

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