la Couronne demande une peine de deux ans

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C’est le dilemme très particulier que devra trancher la juge Sonia Rouleau d’ici le 11 décembre, lorsqu’elle prononcera la sentence de Junjie Yan, un ressortissant chinois venu au Saguenay pour apprendre la mécanique automobile et le français, qu’elle a reconnu coupable d’avoir eu en sa possession une poupée érotique d’enfant.

L’objet, muni de trois orifices, est troublant de réalisme, mais l’accusé, encore lundi après-midi au terme des plaidoiries sur sentence, continuait de répéter à la traductrice en mandarin qu’il ne comprenait toujours pas pourquoi il n’avait pas le droit de posséder une poupée qu’il voulait habiller avec des costumes traditionnels chinois qu’il fabriquait. La poupée avait été saisie à son domicile en août 2020 après qu’une voisine, à qui il avait demandé d’aller relever son courrier en son absence, ait vu l’objet sur son lit.

Quoiqu’il en soit, il a été reconnu coupable, en septembre 2022, d’avoir eu en sa possession cette marchandise illégale au Canada qui lui a valu une accusation de possession de matériel de pornographie juvénile, même si les expertises demandées par les policiers n’ont permis de découvrir aucune trace de sperme sur l’objet qui, selon son avocat, « n’a jamais servi ». Mais un canyon sépare la Couronne et la défense.

En poursuite, Me Marie-Ève St-Cyr demande un emprisonnement de deux ans moins un jour alors que Me Nicolas Gagnon estime qu’une peine de 240 heures de travaux communautaires servirait les fins de la justice tout en faisant économiser la société des coûts de l’emprisonnement d’un individu qui sera expulsé du Canada à sa sortie de détention.

Selon Me St-Cyr, les principes de dénonciation et de dissuasion doivent être mis de l’avant dans la sentence que devra prononcer la juge Rouleau, car le rapport présentenciel et sexologique de l’accusé est mauvais, puisqu’il ne reconnaît pas le crime, n’a aucun remords ni regrets et il n’a pas entrepris de suivi thérapeutique. II reste sur la défensive et a de la rancoeur envers le système judiciaire.

Tout en reconnaissant l’absence d’antécédent judiciaire, le fait qu’il a toujours été un actif pour la société, qu’il a respecté ses conditions de remise en liberté depuis sa mise en accusation en août 2020 et la barrière culturelle comme facteurs atténuants, la procureure du DPCP estime que la nature même de l’objet, qui représente un enfant prépubère, constitue un facteur aggravant important. Car même si aucun enfant n’a été victimisé pour sa conception, ce genre d’objet banalise l’utilisation des enfants comme objets sexuels. Il permet d’en faire un partenaire sexuel et avoir des relations complètes.

Selon elle, il faut la juge Rouleau envoie un message de dissuasion pour décourager d’autres Canadiens de se procurer ces objets.

« L’utilisation de ce type de matériel ne doit pas permettre d’atteindre une gravité objective moindre, car elle n’est pas susceptible de porter préjudice aux enfants, a dit l’avocate. Dans sa loi sur la production, la possession et la distribution de pornographie juvénile, le législateur a voulu envoyer le message que les enfants doivent être protégés contre l’exploitation sexuelle et qu’on ne peut en faire des partenaires sexuels. »

Or, cette poupée montre qu’on peut clairement considérer un enfant comme un partenaire sexuel et elle peut susciter des changements de comportement mettant les enfants à risque. Selon elle, cela fait en sorte que la possession d’une telle poupée est plus grave que des images de pornographie juvénile. Il faut envoyer un message fort, car depuis l’avènement d’Internet, on peut avoir accès à tous les types de matériel – photos, vidéos, poupées – beaucoup plus facilement. Citant une jurisprudence, elle ajoute que la banalisation de ce type de comportement est préoccupante, car il ne peut que normaliser ces gestes dans les esprits déviants.

Pas un bouc émissaire

Là-dessus, Me Nicolas Gagnon a mis en garde la juge contre la tentation de faire de son client un bouc émissaire. « Ma consoeur demande une peine très importante non pas pour le punir, lui, mais pour envoyer un message à la population. C’est une erreur de droit. Les peines capitales exemplaires sont depuis longtemps considérées comme désuètes et illégales. M. Yan n’a pas à supporter l’opprobre et les stigmates sociaux de toute une communauté criminelle avec laquelle il n’a rien à voir. »

Selon l’avocat de la défense, il faut réprimer sévèrement la production, la possession et la distribution de pornographie juvénile pour deux raisons: la création de ce matériel a des conséquences directes sur les enfants, car derrière chaque photo, chaque vidéo, il y a un enfant abusé, violé, dont le développement et le bien-être sont mis en péril. Deuxièmement, le mal ne s’arrête pas là car à chaque fois que la photo ou la vidéo est regardée ou distribuée, l’enfant est à nouveau victimisé.

Mais derrière les agissements de monsieur Yan, il n’y a aucun enfant, a repris l’avocat. « On peut considérer ce matériel dégoûtant, mais il faut garder en tête qu’il n’a fait aucune victime. La création de cette poupée ne s’est inspirée d’aucun humain réel et aucun enfant n’a été agressé pendant le processus de fabrication du mannequin. Le préjudice qu’il aurait pu causer à un enfant est la notion vague et abstraite de l’augmentation de la sexualisation des personnes mineures; un phénomène inquantifiable. Ma consoeur ne recevra jamais, à son bureau, le dossier d’un accusé qui a été poussé à l’acte par M. Yan. Et aucune déclaration de victime ne contiendra son nom. Qu’on ne vienne pas me dire qu’il partage la même responsabilité criminelle qu’un producteur ou un distributeur de pornographie juvénile. » Il ne faut pas que derrière une sentence démesurée, l’État s’accapare un rôle de moralisateur comme on le voit dans certaines dictatures.

Me Gagnon a décrit son client comme un travailleur acharné. En Chine, il travaillait dans une usine d’assemblage de Volkswagen six jours par semaine, de 9h à 21h. Or, l’homme de 40 ans a décidé de venir s’établir au Canada pour reconquérir le coeur de son épouse qui l’a divorcé sous la pression de ses parents, car il n’avait pas un travail assez digne pour eux. Son projet a viré au cauchemar. Depuis son arrestation, il a perdu son visa d’études qui lui permettait de suivre des cours de français et de mécanique et vit isolé par sa langue.

« Depuis trois ans, mon client vit une peine d’emprisonnement dans la société pire que s’il était Québécois, car il ne peut socialiser avec personne en raison de sa langue. Il aurait pu facilement aller au consulat de Chine à Montréal pour demander un passeport temporaire et s’enfuir, mais il est resté pour faire un procès et laver son honneur. »

En outre, a conclu l’avocat, sa cause a été très médiatisée et le sera encore. Par conséquent, il a ajouté qu’il n’était pas nécessaire de l’envoyer en prison pour une longue peine afin d’envoyer un message de dissuasion. Que l’alternative à l’emprisonnement en le condamnant à exécuter 240 heures de travaux communautaires en huit mois serait appropriée.

« Pour lui, ce sera des vacances, car il est habitué de travailler 72 heures par semaine. »

Source : https://www.lequotidien.com/actualites/justice-et-faits-divers/2023/10/31/poupee-erotique-denfant-la-couronne-demande-une-peine-de-deux-ans-RGTOQVESIREIZLKRT2JCADELUI/

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Date de Publication : 2023-10-31 09:02:00

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