Jérusalem : Quatre Hommes Livrent Des Témoignages Inédits De La Guerre De Kippour Dans Une Exposition Authentique

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L’exposition revisite la guerre elle-même, en s’appuyant sur les témoignages visuels et textuels de quatre hommes

A l’occasion des 50 ans de la guerre de Kippour (6 octobre 1973), le musée d’Israël à Jérusalem présente “October Sun: Four Voices from the Yom Kippur War”, une exposition intimiste conçue à partir des travaux de quatre hommes. David Tartakover et Eli Mohar, recrutés comme réservistes; et Rino Zror et Rami Halperin qui ont volontairement rejoint les forces de l’armée israélienne à la frontière sud et enregistré ce qu’ils ont vu pour le journal Ha’Olam Hez, pour lequel ils travaillaient. Pour la première fois, les dessins de Tartakover – alors artiste naissant – et les photographies de Rami Halperin, jeune photo-journaliste tué pendant la guerre, seront exposés au public, accompagnés d’un ensemble de reportages et de notes personnelles rédigées par Eli Mohar. Les quatre hommes dressent un tableau de la guerre via différents supports et créent une plateforme de dialogue informel qui nous invite à découvrir des moments de troubles, de silence, mais aussi de vie, questionnant sur la relation entre documentation et mémoire, journalisme et art, passé et présent. i24NEWS a eu l’honneur d’interviewer Tamara Abramovitch, la commissaire de cette exposition poignante, qui travaille sur le projet depuis un an et demi.

“Je suis tombée par hasard sur l’un des travaux des artistes, réalisé pendant la guerre, qui était tout simplement formidable, magnifique et émouvant, et cela m’a persuadée qu’il fallait réaliser une exposition d’une manière ou d’une autre. Il m’a ensuite parlé de son ami, qui a écrit des textes et, de manière automatique, nous les avons insérés dans l’exposition, pour obtenir diverses perspectives. Ce projet documentaire photo-texte est très intéressant, nous offrons une expérience sensationnelle avec deux paires d’artistes, deux paires d’amis, qui ont tous vécu cette guerre d’une manière très différente”, explique Tamara Abramovitch à i24NEWS.

Elie PosnerElie PosnerTamara Abramovitch

“Généralement, lorsque l’on évoque la guerre, on pense au côté historique; ici je voulais montrer le côté personnel, intime, de ce qu’ils ont traversé. Je pense qu’ainsi, il est beaucoup plus facile de s’identifier car la dimension est davantage universelle. Je voulais proposer quelque chose qui sorte complètement du narratif national sur la guerre de Kippour”, poursuit-elle.

La guerre de Kippour, qui a opposé Israël du 6 au 24 octobre 1973 à une coalition arabe menée par l’Egypte et la Syrie, est gravée dans la conscience collective comme un traumatisme à la fois personnel et national. L’attaque surprise, les nombreuses victimes et la perte de confiance dans les dirigeants ont provoqué une onde de choc dans la société israélienne, suscitant des protestations et de vives critiques.

“Nous dévoilons le matériel original avec les documents et écrits d’époque, les photos qui ont été imprimées dans les années 70 mais aussi les journaux dans lesquels figuraient les photos et les textes. Par ailleurs, nous avons installé une ‘vidéo artistique’ où les textes défileront sur les murs, ce qui donne un côté attractif”, assure Tamara Abramovitch.

Cette exposition revisite la guerre elle-même, avant la constitution de la mémoire collective du traumatisme, en s’appuyant sur les témoignages visuels et textuels à travers le regard des quatre hommes. David Tartakover et Eli Mohar ont été appelés en réserve au coucher du soleil de Yom Kippour, et sont restés en service à l’ouest du canal de Suez après la déclaration d’un cessez-le-feu le 24 octobre. Aux moments terrifiants de la guerre s’intercalent des accalmies tendues qui imposent de longues périodes d’oisiveté et d’ennui. Tartakover a notamment profité d’un court congé pour rapporter à la maison des carnets de croquis, qui, espérait-il, détourneraient son esprit de la routine de la guerre. Le jeune artiste a rempli trois livres de scènes simples et tronquées qui capturent la vie militaire imprégnée du désir de rentrer chez soi.

Musée d'Israël, Jérusalem/ Zohar ShemeshMusée d’Israël, Jérusalem/ Zohar ShemeshDavid Tartakover, “Une interrogation au long cours de l’artiste”

“Mon objectif était de montrer que la guerre, ce n’est pas uniquement ce qu’il se passe dans la sphère nationale et ce dont tout le monde a conscience, ou ce que l’on trouve dans les livres d’histoire. Je souhaitais révéler au grand jour l’imperceptible, ce qui est caché et mettre l’accent sur la perspective du soldat et ce qu’il peut nous apporter de son vécu sur le terrain, sur une situation précise, et aussi d’un point de vue pacifique”, a confié Tamara.

Le dimanche 7 octobre 1973, Rami Halperin est arrivé au domicile de Rino Zror à Ramat Gan avec un sac militaire et son appareil photo. Tous deux avaient récemment été libérés de l’armée après avoir accompli leur service régulier et travaillaient pour l’hebdomadaire “HaOlam HaZeh”. Bien qu’ils n’aient pas été appelés officiellement, ils ont décidé de rejoindre le bataillon blindé 184 sur le front sud dès le début de la guerre. Même dans les tranchées, Halperin avait toujours son appareil photo autour du cou pour capturer des scènes, des événements et des personnes à bout portant ; lorsqu’il tomba lors de la bataille de la “Ferme chinoise”, le 18 octobre, la caméra était avec lui, ainsi que les films non développés. Onze jours après avoir quitté Tel Aviv, Zror est revenu avec le corps de son ami. Arrivé dans les bureaux du journal, il nota par écrit l’odeur de la poudre et le bruit des obus encore frais dans son esprit. L’appareil photo est également arrivé dans les bureaux du journal et les photos d’Halperin ont été publiées dans un rapport spécial à sa mémoire le 1er novembre 1973. Sept de ces images ont ensuite été imprimées par ses amis du bataillon 184.

Le parallèle avec la crise en Israël aujourd’hui

Une documentation sur la routine de la guerre apparaît dans des notes écrites par Mohar pour le journal Davar. Pendant les heures “creuses”, entre les bombardements et la construction de fortifications, il écrivait ses pensées comme dans un journal, alternant entre la peine et les moments de rire.

“La guerre n’est pas un événement qui a un début et une fin, pendant les jours de guerre aussi il y a des moments de repos, de rire, où les gens mangent, et vivent tout simplement, je voulais faire ressortir ce côté que l’on voit peu. Je pense aussi que par rapport à ce qu’il se passe aujourd’hui en Israël avec la réforme et les divisions sociétales, c’est intéressant de réfléchir à l’Israël d’il y a 50 ans à la manière dont ils ont traité la guerre de Kippour et à quel point ça a créé une cassure dans la société, qui peut s’apparenter à la cassure que nous vivons aujourd’hui. La plupart du temps, la guerre est évoquée à travers le prisme du soldat en tant que victime, mais ici on s’attache à montrer que la guerre n’est pas finie, qu’il s’agit d’une seule guerre en tant que continuité”, affirme Tamara.

Elie PosnerElie PosnerRami Halperin, 1952-1973 “Le corps d’un soldat égyptien de Komodo dans un fossé, du 7 au 18 octobre 1973”

Les récits combinés de ces quatre jeunes hommes, dont trois ont survécu et sont devenus des héros israéliens, soulèvent une vaste question concernant le concept de guerre et ses frontières insaisissables. La rencontre entre le feu du champ de bataille et les moments de calme, entre les publications journalistiques et les sketches intimes, entre la vie et la mort, pénètre l’enceinte hermétique de cette guerre, offrant un commentaire poignant sur la réalité israélienne d’aujourd’hui.

“On parle toujours de la guerre de Kippour comme d’une guerre spéciale, sans préciser que c’est quelque chose qui perdure dans le temps, et qui se ressent encore de nos jours : la lutte pour le pays, la violence, la dure réalité, pour ceux qui ont vécu la guerre, ça ne se termine jamais, car ils vivent avec cela pour toute leur vie; cette guerre a aussi forgé les grandes questions de ce pays, et les tentatives d’établir la paix et les échecs qui s’en sont suivis, cette seule guerre a donc une multitude d’échos qui nous accompagnent aujourd’hui”, a conclu Tamara Abramovitch.

L’exposition est à découvrir jusqu’au 31 janvier au musée d’Israël à Jérusalem.

Caroline Haïat est journaliste pour le site français d’i24NEWS

Source : https://www.i24news.tv/fr/actu/guerre-de-kippour/1696423386-jerusalem-quatre-hommes-livrent-des-temoignages-inedits-de-la-guerre-de-kippour-dans-une-exposition-authentique

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Date de Publication : 2023-10-04 14:52:33

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