A Visa pour l’image, la révolte iranienne vue de l’intérieur
Pour une fois, ce n’est pas un photographe connu qui a les honneurs de l’affiche du festival de photojournalisme de Perpignan, qui propose sa trente-cinquième édition cette année. L’image est signée d’un amateur – ou d’une amatrice – restée(e) anonyme, et la photo est même de piètre qualité. « Les imprimeurs n’étaient pas très contents de mon choix », reconnaît Jean-François Leroy, directeur du festival, qui a tenu à cette image emblématique du soulèvement populaire qui ébranle l’Iran depuis l’automne 2022. On y voit, de dos, une jeune fille, sans voile, les cheveux au vent, debout sur le toit d’une voiture, regardant un flot de milliers de personnes venues commémorer la mort de Mahsa Amini, décédée le 16 septembre 2022 après son arrestation par la police des mœurs pour une tenue jugée inappropriée. « Pour moi, ce soulèvement est l’événement de l’année, et cette image a la force du document, poursuit le directeur. Elle me bouleverse. Le fond vaut plus que la forme. »
Une jeune femme non voilée sur un véhicule alors que des milliers de personnes se dirigent vers le cimetière d’Aychi pour commémorer le 40e jour de la mort de Mahsa Amini, à Saqqez, sa ville natale, dans le Kurdistan iranien, le 26 octobre 2022. Photographie utilisée pour l’affiche de Visa pour l’image. PHOTOGRAPHE ANONYME
De fait, chose rare dans le temple du photojournalisme d’auteur, une exposition entière, qui s’ouvre, samedi 2 septembre, sous le titre « Tu ne meurs pas », est consacrée à des photos et à des vidéos venues d’Iran, réalisées en majorité par des amateurs et des anonymes. Des documents qu’ont patiemment sélectionnés deux journalistes du Monde, Marie Sumalla et Ghazal Golshiri, avant de les publier, le 15 février 2022, sur le site Lemonde.fr. Ces images ont représenté alors la seule façon d’éclairer ce mouvement populaire dans un pays où il n’existe ni média libre ni accès pour les journalistes étrangers, et où le régime étouffe tous les signes d’opposition. « Le Monde ne fait pas travailler de photographe local en Iran, car c’est trop dangereux », précise Ghazal Golshiri, qui a grandi à Téhéran. Elle-même a été correspondante du journal en Iran, de 2016 à 2019, avant de quitter le pays, de peur d’être emprisonnée.
Après la mort de Mahsa Amini, Ghazal Golshiri a vu tous ses amis et ses contacts iraniens témoigner d’actes de rébellion sans précédent dirigés contre le régime : sorties dans la rue sans le foulard islamique, rassemblements au cimetière, manifestations… « On voulait raconter ce soulèvement sans savoir si c’était une révolution », raconte Marie Sumalla, rédactrice photo qui connaît bien l’Iran. Mais, quand elle a cherché de quoi l’illustrer, « il n’y avait rien de rien dans les agences, à part les images fabriquées par le régime, dit-elle. Et l’on s’est vite aperçues que les photos et les vidéos les plus spectaculaires étaient sur les réseaux sociaux ».
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Source : https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/09/02/a-visa-pour-l-image-la-revolte-iranienne-vue-de-l-interieur_6187519_3246.html
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Date de Publication : 2023-09-02 06:00:25
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